Vous cherchez le cabinet ? C'est ici.
Vous cherchez les cabinets ? Deuxième à droite.

Je vois que la salle d'attente est déjà bien remplie... Lord South Kenny, prostré, qui n'ose plus bouger, attendant Seldon seul sait quoi... et Anikyn, qui se prend pour Nomton, qui se prend pour un autre, ou quelque chose comme ça... ainsi qu'un grand malade, qui passe ses journées à hurler, à hurler dans un micro c'est horrible, vous savez qui j'évoque... et... tiens ? J'espérais voir cette pauvre femme maltraitée par la FOO, ce matin. J'espère qu'il ne lui est rien arrivé de fâcheux.

Allez, comme dirait le grand Jacques : Au suivant !

Deuxième à droite ?
J'ai maaaal au cœur, il y a une jimi dedans

Pffffffffffffff ........... il ne pense plus qu'à elle ......... serait capable de me laisser mourir de faim!!!! .......... je sent venir la peine de cœur à brève échéance ........ ça va encore augmenter sa consommation de boissons offensives ça

C'est normal cette envie de roupiller tout d'un coup ?

Oups, oui à cette heure la c'est normal

Parlons peu, parlons bien :

Monsieur Anikyn, vous souffrez de la perte d'un être cher, en l'occurrence Jimi-Lee.
Je ne pense pas que vous réalisiez bien l'étrangeté de votre situation.
Habituellement, on souffre plutôt de sa présence, à elle, pas de son absence.

Votre cas est symptomatique d'une envie inconsciente d'auto-destruction.
De plus, vos pulsions suicidaires vous incitent à entrainer vos proches dans votre déchéance.
Vous avez sorti un sabre sur Géonova, dans notre cabinet. Et ça, c'est pas très malin.

Alors nous avons décidé de vous droguer, pour votre bien, et pour le nôtre.
Une bonne petite camisole chimique de derrière les fagots, vous nous en direz des nouvelles.
Quand on arrêtera le traitement, même votre chat ne vous reconnaitra plus.

Si vous le souhaitez, il existe une alternative, mais nous ne sommes pas certains qu'elle vous plairait.
Le remède est dangereux, et nous savons que vous êtes un peu craintif, dans le fond.

gneuuuuu
mfff, encore un rêve !
ZZZZzzzzzzzzzz
ZZZZZzzzzzzzzz

Pour tout dire, elle cachait sous sa veste un petit macaque. Capricieux et imprévisible, il supportait mal les changements thermiques. Habanero avait promis de le prendre sous son aile et d'anticiper les éventuels troubles dépressifs comportementaux de l'animal.
Elle errait en une ville inconnue de sa mémoire, mais elle avait besoin d'un bol d'eau avec une goutte de rhum et une olive.
Une porte se présenta, elle la poussa et.......

ouch, un drôle de lieu, manifestement, elle n'était pas du tout au bon endroit.

Ne laissant pas le temps à qui que ce soit d'intervenir, elle rebroussa chemin et partit dans le sens inverse.

Un bruit alerta le Docteur Catharsis, qui releva la tête des papiers éparpillés sur son bureau. Il eut tout juste le temps d'apercevoir, dans l'entrebâillement de sa porte, un singe assis sur l'épaule d'une jeune femme, et qui lui mâchouillait les cheveux. Laquelle femme referma illico la porte de son cabinet.


Mais par Seldon, pourquoi les gens confondent-ils aussi souvent mon cabinet de psychiatrie avec celui du vétérinaire ? Se dit-il. Nous ne sommes même pas voisins de pallier... Dommage que cette charmante personne soit repartie si vite, du reste. Son animal de compagnie semblait avoir quelques troubles obsessionnels compulsifs de toute beauté, et j'aurais pu faire une exception, moyennant un supplément somme toute dérisoire.


Puis il replongea la tête dans ses papiers, et oublia pour un temps l'incident. Pour un temps seulement.

Cette fois, ce fut le macaque qui poussa la porte. En quelques bonds, il fut assis sur le fauteuil d'accueil et commença à grignoter un carnet......
Habanero suivait, l'air un peu hagard, elle avait accepté une mission de marchand; elle avait perdu le mode d'emploi du croiseur grisâtre mercantile et de plus, le petit singe, depuis des amours désespérées avec une pie, aimait tout ce qui brillait. En bref, elle n'aimait pas sa mission et ......

"Bonsoir ? Je vous dérange ?....sans aucun doute......voyez-vous, les tavernes sombres enbrument les réponses qui ne s'entendent de personne. Dois-je faire rapport de mes missions aussi, aussi banales soient-elles ?"

Au mot "banales", le macaque bondit et tira une mèche de cheveux de la Miss......

"Ha oui, auriez-vous croisé un jour un petit garçon aux cheveux couleur blé ?"

"Les rapports de mission, dites-vous ? Hum..."

Le docteur Catharsis cherche du regard sa pipe favorite. Il la voit, elle est sur son bureau. Il la saisit. La bourre de tabac parfumé au gingembre. L'allume. Commence à fumer. Tout cela dans le seul et unique but de gagner un peu de temps, parce que le tabac au gingembre, on dira ce que l'on voudra, c'est tout de même proprement dégueulasse. Quoique ça aide à arrêter. Il pose donc assez vite sa pipe et regarde son interlocutrice dans les yeux.

"Les rapports de mission... hum... S'il ne se passe rien de très intéressant, en effet, inutile de gâcher de l'encre... Mais si vous trouvez le temps de nous dire dans quel secteur vous œuvrez, cela peut éventuellement intéresser nos ambassadeurs. Quoique cela n'a rien d'obligatoire. C'est à vous de voir... Et puis du reste, à bien y réfléchir, je ne suis plus - pour des raisons personnelles - l'administrateur de la confrérie. Ce n'est donc pas vraiment à moi de vous répondre, sur ce point."

Le docteur reprend sa pipe, aspire un peu de fumée. Puis il repose sa pipe, et se lève.

" Veuillez m'excuser un instant. "

Il sort de la pièce par une porte qu'il referme derrière lui. Une minute se passe, ponctuée de bruits qui ressemblent à s'y méprendre à ceux que ferait un docteur en train de vomir. Puis la porte se rouvre, et Catharsis revient. Il reprend résolument sa pipe, la casse en deux, et jette les morceaux par la fenêtre ouverte.

"Merci de m'avoir attendu. Où en étions-nous ? Oui. Votre seconde question. Un garçon aux cheveux couleur blé... Vous pourriez peut-être éclairer un peu plus notre lanterne... De quel blé parlez-vous, exactement ? Comprenez-nous bien : Votre évocation d'une pie nous rappelle certaines choses, mais... comment vous expliquer cela sans le jargon du métier ? Nous ne voudrions surtout pas faire fausse route, en croyant voir dans votre esprit des choses qui ne sont que dans le nôtre, disons. Évitons les projections maladroites. "

"Et nous avons une requête à formuler, si vous le permettez : Plutôt que d'aller chercher secours dans une taverne assez bien famée, certes, mais une taverne quand même, pourquoi ne viendriez-vous pas plutôt nous voir plus souvent ? Allongez-vous sur ce divan, si vous le souhaitez, et dites-nous ce que vous avez sur le cœur. Nous vous écoutons, vous et votre macaque."

Quand Catharsis jeta la pipe par la fenêtre, il n’imagina pas un instant le tumulte qu’il allait causer.
Le macaque se rua par la même fenêtre ; expert en haute voltige, il récupéra les morceaux de pipe et se cacha dans un arbuste pour mâchouiller l’objet. La prise de tabac au gingembre fut telle, que son regard s’empourpra. Les yeux sortis des orbites, il devait passer ses nerfs sur tout ce qui lui tombait sous les pattes….en l’occurrence, les plantes bizarroïdes du jardin de Tareum.
Habanero , lancée à sa poursuite, soudoya un marchand de ballons pour distraire le petit singe des plantes grasses de la terrasse. Tant bien que mal, elle récupéra le macaque, passa par la questionnette, acheta une bouteille de rhum et revint au calme, dans le cabinet de Catharsis.
« Voici quelques grains de Papua, à la croque, c’est bon et ça fait passer le goût de mauvaises choses comme votre……enfin, bref. »

Elle déboucha la bouteille d’alcool, laissa Mordicus en prendre une goulée, caressa le ventre de l’animal tout en regardant le Canapé.
Le regard fixé sur le fauteuil, elle dit :

« Une pie, volatile bruyant. Celle-là avait un bâton coincé sous son aile, ce qui lui donnait allure de général. Le macaque s’en éprit. Mais l’oiseau voulait toujours plus de brillant, jamais contente….Là, je récolte de l’or et Mordicus déprime en repensant à sa pie…….heu, vous pensiez que je pensais à une autre ? »

Finalement, elle s’installa dans le Canapé.

« L’on dit que l’on peut rencontrer un jeune garçon aux cheveux couleur blé…..jamais je ne l’ai vu et vous ? Pourtant, sur une planète j’ai trouvé une écharpe….. »

Puis, rebondissant doucement sur les coussins,

"Mais dites-moi, c'est qu'il est fameusement confortable votre divan ! Un p'tit verre de rhum ?.....hum...Alors comme ça, vous voulez vous dégoûter de la pipe par le gingembre? Vous savez, il est préférable de garder le gingembre pour les mots et utiliser de la maniguette pour la pipe.....m'est avis."

"Par Saint Wilfred, Sainte Mélanie et Saint Sigmund, cette patiente est fascinante. Si complexe... Tant de sous-entendus à fleur de peau... saisit-elle vraiment la profondeur de ses paroles ? Et moi ? En suis-je bien certain ? Comment démêler cette pelote spirituelle sans dégâts..."

pensait le docteur, tout en découvrant avec le plus grand des plaisirs gustatifs le machouillage des graines de Papua.

"Mrchm... mais c'est délicieux ! Merci beaucoup, très chère. Mrchm... mrchm... Vous devriez faire part de vos connaissances botaniques au sieur Mrchmrchm... au sieur Tareum. Il vous en serait très reconnaissant, j'en suis sûr. Mrchm... Je viens de le croiser, et mrchm... il m'a confié avoir subi récemment une mystérieuse intempérie inattendue, côté jardin. Mrchm...mrchm... Et comme côté cour, il n'avait pas l'air au mieux non plus... Mchrm... votre passage le remonterait peut-être un peu."

conclut-il dans un dernier mrchm gloup.

"Mais revenons à votre histoire. En la personne de cette pie, vous avez peut-être rencontré un animal atteint de palominie. Ne cherchez pas la définition de ce syndrome. C'est un nouveau concept en cours de développement, et qui sera au cœur de mon prochain ouvrage. Savez-vous ce que cette pie est devenue ? Avez-vous gardé ses coordonnées ? Car l'étude de son cas pourrait faire avancer la science."

Puis, saisissant brusquement une plume et un carnet, qu'il tendit à la jeune femme :

"Dessinez-moi du blé ?"

Elle écoutait le Professeur jouer des mandibules et poser avidement ses questions tout en goûtant la tiédeur du lieu et le moelleux du fauteuil.

"Palominie ? Et la Palombie, vous y avez déjà été ? Mais je m'égare....Le problème d'une discussion botanique......botanique? j'eus pensé un langage plus vernaculaire que tentaculaire mais bon....le problème donc, c'est que le Seigneur Tareum, côté jardin ou côté cour ....tiens, a-t-il au moins une fenêtre celui-là?... et.....je n'ai pas envie de devoir encore chanter une chanson paillarde, voilà !"

Elle rougit légèrement, un tantinet, juste percptible avec une dyoptrie adaptée au mauvais oeil.


"Alors, l'histoire de la pie....Le macaque a sombré dans le rhum, le jour où la pie est parti avec un coquelet de Porto; ils sont partis et depuis sont dans les registres des volatiles égarés. Cela vous avance-t-il ?"

Catharsis eut un geste brusque. Carnet tordu, plume, blé.

Habanero calla bien son dos contre le dossier du divan, plaça Mordicus à côté d'elle, prit carnet et plume, ensuite elle fixa le plafond.....
Après quelques minutes, elle ouvrit le carnet, prit la plume dans la main droite et commença à dessiner quelque chose qui ressemblait à .....un échiquier.

"Oui, nous avons déjà entendu parler de la Palombie. Un pays légendaire où poussent des boites noires, si ma mémoire ne me fait pas défaut. Est-ce là que sont partis les tourter... les volatiles dont vous me parliez ?", demande le docteur à la femme qui dessine. Elle lui rend le carnet sans un mot.

"Un damier... Beau dessin. Le style est vif. Incisif. Sans concession. Mais que représente ce damier pour vous ? Laissez-moi deviner, je vous prie : la fin d'une course ?", questionne-t-il avec espoir. Mais la femme soupire.

"Non, ce serait trop simple. Une grille de mots croisés qui ne se rencontreraient jamais ?", ajoute-t-il en la fixant. Elle sourit, mais fait non de la tête.

"Ou bien... j'y suis. La puissance de deux. Mais de deux quoi, madame ?"

La jeune femme avait l'air plus qu'absente, tant et si bien que Mordicus, l'espiègle macaque, en profita pour jouer avec les mèches de cheveux d'Habanero.
Puis, il fit quelques bonds pour regarder le dessin, tenta de voler le croquis à Catharsis, puis fit plusieurs signes de la tête, voulant apparemment indiquer que la patience était de mise.

"Décidément, ce divan est par trop confortable.", se dit le docteur.

"La plupart de mes patients se retrouvent dans cet état de semi léthargie avant la fin de leur séance. A moins que cela ne vienne de moi, peut-être ?" Il sort de la pièce, pour y revenir un instant après, une couverture à la main.

"Pauvre petite. Ces ordres de troc l'ont épuisée. Elle a bien fait de répondre à l'appel de l'Empire.", songe-t-il, tout en la bordant. Un sourire au singe, blotti contre sa maitresse, puis il retourne à son bureau, et ouvre son agenda.

"Alors... de qui était-ce le tour, demain matin... bien. On va pouvoir annuler facilement. Et puis de toute manière, son cas est sans espoir, alors une séance de plus ou de moins, ça ne va pas changer grand chose." Il griffonne un mot pour sa secrétaire, puis un autre, qu'il laisse en évidence :

Elle était bien là, une odeur légèrement camphrée, ce fauteuil qui la prenait dans ses bras, une chaleur un peu étouffante et pourtant qui lui intimait de rester.
Souvent, elle n’avait la force de répondre…les réponses se disputaient dans sa tête, un vacarme pas croyable mais aucun mot ne sortait de sa bouche. Et naïvement, elle pensait que l’autre entendait ses non-dits…..*il y a possible dans impossible…..ouais, mais encore ma belle…..*
Elle mangeait les viennoiseries avec plaisir, par contre le café lui procurait une grimace...
* va falloir que je leur explique l’art de l’espresso *…
Pourtant le pur beurre croissanté lui donnait des couleurs aux joues.

Catharsis s’était interrogé sur le dessin de l’échiquier ; il avait fini par dire « puissance DEUX ».

Soudain, Habanero finit par parler à la jeune secrétaire :
« Je vais faire un tour à l’extérieur, le macaque a besoin d’air….moi aussi d’ailleurs…..dès que Catharsis est rentré, fermé la fenêtre. Je saurai ainsi que je peux revenir vous expliquer cette puissance ambivalente. »

Elle sortit, suivant Mordicus qui sans hésiter l’emmena à la taverne.

Le cas de ce patient intriguait vraiment le docteur Catharsis. Il aurait bien voulu avancer un peu plus vite.
Mais malheureusement, il avait dû s'absenter pour raisons... personnelles.
"Du côté de PortIV, avec quelques confrères." avait-il dit à sa secrétaire.
"On y trouve de tout, surtout en ce moment. A dans quelques jours. Je vous rapporte quelque chose ?"

Et là, tout seul, dans le noir du cabinet vide, l'holoscripteur crépitait.

Rentrons demain - STOP - je vous ramène les enfants - STOP - trouvez nous une baby-sitter - STOP - un endroit où les faire dormir - STOP - et préparez des tartines - STOP - et des bols de chocolat chaud - STOP - Merci d'avance - STOP.

Elle avait fait le nécessaire. Tout était fin prêt. Enfin, juste un détail, il ne manquait que la baby-sitter. Car soyons réaliste, aucune personne sensée n'aurait jamais accepté de garder toute la descendance sénatoriale réunie. La vie est déjà assez courte comme ça.

Mais, bienveillant, l'holoscripteur donna à la secrétaire du docteur Catharsis un petit délai supplémentaire et inattendu pour trouver quelqu'un.

Décalez tous les rendez-vous - STOP - Avons pris du retard - STOP - Erreur inexpliquée du navigateur de bord - STOP - Sommes en panne sur Mikeyland - STOP - Soupçonnons les enfants - STOP - Mais aucune preuve tangible - STOP.

La secrétaire de Catharsis était une secrétaire très... professionnelle. Même en l'absence du docteur, elle avait toujours su se trouver des tâches à remplir pour justifier son salaire. Les gommes avaient été comptées et recomptées. Il y en avait deux. Exactement. Ni plus ni moins, pas une seule fois en mille décomptes. Les trombones, en rang par deux, alignés à l'ångström près. Les crayons si bien taillés qu'on aurait pu les classer parmi les armes de deuxième catégorie.

Mais là, même elle, pourtant si consciencieuse, commençait à se demander si finalement, l'amélioration de ses capacités en déminage virtuel ne serait pas une nouvelle corde à accrocher à l'arc de son curriculum vitae. Son esprit était sur le point de tomber dans le terrible Gouffre des Chronophages, dont on ne ressort jamais. Ce fut l'holoscripteur qui la sauva.

Arrivons demain - STOP.